Phonétique

1. Voyelles

9) a) Il n'est pas toujours possible de lire la voyelle e avec certitude (comme en akkadien). Les signes des syllabes me, ne, el, eš sont distincts de ceux des syllabes mi, ni, il, iš, mais pour re, le, ez, etc..., les signes sont les mêmes que pour ri, li, iz, etc...

b) L'existence d'une voyelle o différenciée de u au niveau de l'écriture n'est pas claire.

10) Même lorsque le hittite peut faire la différence au niveau de l'écriture entre e et i, on trouve souvent les deux voyelles. À côté de e-eš-har "sang", on trouve aussi écrit iš-har ; à côté de pé-eš-ta "il a donné", pí-iš-ta ; à côté de pé-eš-ši-ya-mi "j'ai lancé", pé-eš-ši-ya-zi "il a lancé", on trouve aussi pé-eš-še-ya-mi, pé-ši-ya-az-zi ; à côté de -ši "à lui", aussi -še ; à côté de iš-hi-i "au maître", aussi eš-hé ; à côté de u-un-nu-me-en "nous l'avons poussée", aussi u-un-nu-um-mi-in, etc... Il est probable que la prononciation du e hittite était très fermée, proche de celle du i.

11) Il existe une alternance entre e (i) et a dans les paradigmes hittites : de sak- "savoir" sont tirées les formes saggai "je sais", sakti et sekti "tu sais", sakki "il sait", sekteni "vous savez", sekkanzi "ils savent", sakta et sekta "il savait" ; de ak- "mourir", aki "il meurt", akkanzi "ils meurent", mais akir et ekir "ils sont morts" ; et de asas- "s'asseoir", asāsi "il s'asseoit", mais asesanzi "ils s'asseoient", asasta et asesta "il s'est assis", asesir "ils se sont assis".

watar "eau" a un Gen. Sg. wetenas et un Nom.-Acc. Pl. widār, tekan "terre" un Gen. Sg. taknas. A côté de esmi "je suis" et eszi "il est", on trouve asanzi "ils sont" ; à côté de ekuzi "il boit", akuwanzi "ils boivent" et l'itératif akkusk- "boire copieusement" ; à côté de mekki- "beaucoup", un verbe makkeszi "il fait beaucoup". Au lieu de paiweni "nous allons", paitteni "vous allez", on peut trouver paiwani et paittani ; au lieu de daskitteni "vous prenez régulièrement", daskatteni ; au lieu de piskir "ils donnaient régulièrement", piskar. Les raisons de cette alternance ne sont pas bien comprises.

12) Il y a parfois des variations entre u et ú : a-pu-u-un et a-pu-ú-un "celui-ci" (Acc. Sg. de apā- "celui-ci"), u-i-ia-at-tin et ú-e-ia-at-tin "envoyez!", da-a-ú et da-a-u "il devrait prendre".

13) a) La diphtongue -ai- peut se contracter en -e- (-i-) : paista et pesta "il a donné", naisut et nesut "tourne!", kappuwāit et kappuet "il a vérifié", kappuwāizzi et kappuizzi "il vérifie".

b) Une diphtongaison inverse a parfois lieu par correction analogique où e est écrit ai : à la place de epta "il saisit", on trouve a-ip-ta ; à la place de meggaus "beaucoup", ma-iq-qa-us.

c) On trouve parfois une alternance entre -āi- et -a- : pāisi et occasionnellement pāsi "tu vas".

14) a) 1. -(i)ya- peut se réduire à -e- (-i-) : memiyani et memini "pour le mot", tiezzi et tizzi "il entre", wemiyat et wemit "il a trouvé", tiyantes "ceux qui sont assis" (de dāi- "s'asseoir") et tintes.

2. On trouve à partir de sankuwai- "ongle" le Gen. Sg. sankuis à côté de la forme voisine sankuwayas (et sankuwas).

b) A côté de iskiyazi et iskizzi "il oint", on trouve la forme encore mal comprise iskiyāizzi.

15) a) -aya- peut se contracter en -a- : Gen. Sg. de salli- "grand" sallayas et sallas, Abl. Sg. de suppi- "pur" suppayaz(a) et suppaz(a).

16) Les diphtongues ue- (ui-) et -ue- (-ui-) peuvent se contracter en u- et -u- : ueter et uter "ils ont apporté", uinut et parfois unut "laisse partir!", kuera- et kura- "entrée", kuruili- et karuli- "vieux", atraweni et atrauni "nous écrivons", parkueszi et parfois parkuszi "il devient pur".

17) a) De la même façon, (u)wa- et -(u)wa- peuvent se réduirent à u- et -u- : antuwas et antuas "homme", awari- et auri- "poste frontière", lauwatin et lautin "versez!" (aussi lauwai et laui "il verse"), uwartas et urtas "il a maudit", waranu et uranu "il devrait incendier", sanuwanzi et sanunzi "ils rôtissent" (Part. sanuwant- et sanunt- "rôti").

b) Plus rarement, -uwa- (uwa-) se contracte en -ue- (ue-) : kappuwanzi et kappuenzi "ils vérifient", uwanzi et uenzi "ils viennent".

c) A l'inverse de a), l'initiale u- peut s'allonger en uw- : uwarkant pour warkant- "gras", uwasta- pour wasta- "pécher", uwitar pour widār (N.-A. de watar "eau").

18) Il ne faut pas confondre les variations de formes précédentes avec l'ablaut I.E. régulier qui relie kuénzi "il frappe" à kunánzi "ils frappent" et kuerzi "il coupe" à kuranzi "ils coupent". L'ablaut relie aussi dāi "il s'assoie" à tiyanzi "ils s'assoient", le Nom. Sg. zahhāis "bataille" au Gen. Sg. zahhiyas (§69), ais "bouche" au Dat.-Loc. Sg. issi (§87), ainsi que tekan "terre" au Gen. Sg. taknas (§78), hannessar "affaire" au Gen. Sg. hannesnas (§84), asawar "enclos" au Dat.-Loc. asauni (§85).

2. Consonnes

a) Groupes de consonnes

19) a) Il n'existe pas de règle au niveau de l'écriture pour décider entre consonnes simples ou redoublées. A côté des formes pessiyazi "il jette", iyattari "il va", istamasti "tu entends", memiyani "mot (Dat.-Loc. Sg.)", innarawanni "vigueur (?) (Dat.-Loc. Sg.)", tarnatti "tu laisses", on trouve aussi pisiyazzi, iyatari, isdammasti, memiyanni, innarawani, tarnati. Il est probable que les scribes avaient tendance à omettre les signes cunéiformes complexes lorsqu'ils n'étaient pas nécessaires.

b) La différence entre consonne simple et consonne redoublée correspond à une opposition entre consonne tendue et consonne douce. Cette opposition se traduit probablement pour les occlusives en une opposition sourde / sonore. Par exemple, attas "père" se prononce /atas/, tandis que apēz "donc" se prononce /abēz/.

On considère que les occlusives sont toujours tendues à l'initiale et douces en finale : genu "genou" = /kenu/ et sipant "libation" = /spand/. La "loi de Sturtevant" indique qu'en position médiane, la séquence de signes cunéiformes V-CV indiquent une consonne douce, tandis que la séquence VC-CV indique une consonne tendue. Par ex. ap-pa-tar = /apadar/.

20) a) Le choix entre un signe cunéiforme sourd ou sonore semble totalement arbitraire : on trouve da, di, du au lieu de ta, ti, tu ; ga (qa), gi, gu au lieu de ka, ki, ku ; ba au lieu de pa. Quelques exemples : damai- et tamai- "autre", atta- et adda- "père", -ti- et -di- "ton", esdu et estu "il doit être", kanes- et ganes- "découvrir", kinu- et ginu- "partir", taggasta et takkista "il assemble", KUŠkursa- et KUŠgursa- "peau", daskatten, dasqaten et daskiten "prenez!", Gen. Sg. de kuiski "quelqu'un" kuelka, kuelga et kuelqa, patili- et batili- (prêtre).

Certains mots sont pourtant toujours écrits de la même manière. Par exemple, on trouve écrit gi(-e)-nu "genou" (et pas *ki-e-nu-), dāi "il s'assoie", mais tiyanzi "ils s'assoient". Dans le lexique, on ne séparera pas les sonores b, d, g des sourdes p, t, k.

b) Les Hittites ont apparemment emprunté l'écriture cunéiforme aux Hourrites qui l'avaient eux-mêmes empruntée aux Vieux-Akkadiens. Ceci pourrait expliquer pourquoi le système d'écriture hittite ne fait pas la différence entre les consonnes sourdes et sonores, ainsi que l'utilisation de š pour le phonème /s/, conforme à l'usage Vieil-Akkadien pour l'écriture des sifflantes. Le système d'écriture hittite était donc différent de celui en usage à la même période en Mésopotamie. Comme exemple de différence de traitement des occlusives entre le hittite et l'akkadien, le lexique akkado-hittite KBo I,45 contient en ligne 11 : ṣa-pa-du (pour le verbe akkadien ṣabātu) = ap-pa-tar.

21) Une limitation de l'écriture cunéiforme provient du fait que les signes cunéiformes ne peuvent représenter que les syllabes de type consonne + voyelle (CV), voyelle + consonne (VC) et consonne + voyelle + consonne (CVC). Il n'est dont pas possible d'écrire un groupe de deux consonnes à l'initiale ou en finale, ni d'écrire un groupe de trois consonnes, par exemple *tri- "trois" (initiale), *link "jure!" (finale), *karp-zi "il soulève" (médiane). Les scribes hittites ont résolu le problème en insérant une voyelle supplémentaire, en particulier dans des positions normalement interdites dans l'écriture cunéiforme : te-ri-, li-in-ik et kar-ap-zi. En effet, en écriture cunéiforme akkadienne classique, le dernier phonème d'un signe phonétique doit être en harmonie avec le premier phonème du signe phonétique suivant de telle manière qu'un signe (non initial) commençant par une voyelle doit être précédé d'un signe finissant par une voyelle (CV-VC mais pas CV-CV). Il faut donc garder en mémoire que l'écriture indique plus de voyelles que dans la langue parlée. Il n'est cependant pas toujours évident de savoir si une voyelle est réelle ou non.

22) a) L'interprétation en position médiane est généralement facile : des formes comme ša-an-ah-zi "il cherche" possèdent une orthographe classiquement incorrecte (avec un n final et une voyelle initiale juste après), ce qui indique que la prononciation n'est pas *sanahzi qui serait écrit *ša-na-ah-zi. Par ailleurs, une forme comme ša-an-hu-un "j'ai cherché" indique une racine sanh-, ce qui amène à une forme parlée *sanhzi "il cherche". De nombreux verbes sont analogues à sanh-, par exemple parh- "chasser" (pár-ah-zi "il chasse"), karp- "soulever" (kar-ap-zi "il soulève"), tarh- "mettre en échec" (tar-ah-zi), walh- "frapper" (wa-al-ah-zi), warp- "baigner" (wa-ar-ap-zi), etc...

On trouve cependant aussi des formes obscures comme ša-an-ha-zi "il cherche", wa-ar-pa-zi "il baigne", etc... De plus, pour hinkzi "il présente" (racine hink-), on trouve hi-in-ik-zi, hi-in-ga-zi et hi-ik-zi (avec un n réduit ; §31a), pour linkt(a) "il a juré" (racine link-) li-in-ik-ta, li-in-kat-ta et li-ik-ta (§157), les formes itératives comme a-ar-aš-ki-it pour *ar-sk-it "il est venu plusieurs fois" (racine ar-).

b) Les formes initiales sont moins claires comme az-zi-ik-kán-zi "ils se régalent" pour *at-sk-anzi (itératif de ed- "manger" ; §141b), ši-pa-an-za-ki-iz-zi "il sacrifie plusieurs fois" pour *spant-sk-izzi. On trouve des formes encore moins claires : à partir de *(i)spart- "échapper", iš-pár-za-zi "il s'échappe", (c.a.d. *(i)spart-s-zi avec z = /ts/, §27a), iš-pár-za-aš-ta "il s'est échappé" (c.a.d. *(i)spart-s-t) à côté de iš-pár-te-er "ils se sont échappés" (c.a.d. *(i)spart-er). A partir de hat- "sécher" (hāti "il sèche", hāter "ils ont séché"), on trouve ha-az-ta et ha(-az)-za-aš-ta "il a séché" (c.a.d. *hat-s-t(a)). On trouve aussi des formes itératives obscures de tar- "dire" : tar-aš-ši-ki-iz-zi "il a répété" (c.a.d. *tar-sk-izzi) et tar-aš-ša-aš-ki-id-du "il doit répéter" (c.a.d. *tar-sk-iddu !)

23) a) Ces voyelles supplémentaires apparaissent parfois alors qu'elles ne sont pas nécessaires pour l'écriture : par ex. ša-an-hu-un et ša-an-ah-hu-un "j'ai cherché" (racine sanh-), wa-al-hi-ir et wa-al-ah-hi-ir "ils ont frappé" (racine walh-), kar-pa-an-zi et kar-ap-pa-an-zi "ils soulèvent" (racine karp- ; §157). L'origine de ce phénomène n'est pas claire ; elle peut être analogique à partir de formes telles que ša-an-ah-ta "il a cherché", wa-al-ah-zi "il a frappé", etc.., ou bien exprimer réellement une consonne phonétiquement double *sanhhun, *walhher, ou bien indiquer une voyelle amuïe *san(Ə)hun, *wal(Ə)her, ou bien encore dans le cas de l'alternance h/hh deux consonnes différentes (§28). On trouve ainsi pour arhun "je suis arrivé" (racine ar-) les transcriptions a-ar-ah-hu-un à côté de a-ar-hu-un.

b) L'écriture incorrecte des syllabes n'est pas toujours due à une voyelle supplémentaire, il arrive que la voyelle soit bien réelle et qu'il s'agisse d'une forme allégée d'écriture. On trouve fréquemment kiš-an "comme suit" à côté de ki-iš-ša-an, plus rarement ma-a-ah-an à côté de ma-ah-ha-an "comme", hi-ip-pár-aš ("prisonnier"), ši-iš-at-ti pour *ši-iš-ša-at-ti "tu détruis", šu-up-ia-ah "nettoie!" à côté de šu-up-pí-ia-ah, dIa-ar-iš à côté de dI-ia-ar-ri-iš, mar-mar-aš ("taillis" (??)) à côté du Dat.-Loc. Sg. mar-mar-ri, etc...

c) Enfin, on trouve aussi des transcriptions correctes du point de vue du découpage des syllabes mais où la voyelle est en fait inexistante : ša-na-ah-ti "tu cherches" (pour *sanh-ti ) et wa-la-ah-ši "tu frappes" (pour *walh-si ).

24) L'interprétation de l'écriture à l'initiale repose principalement sur des suppositions. Pour zi-ik-kán-zi "ils mettent", l'analogie avec az-zi-ik-kán-zi "ils se régalent" (= *at-sk-anzi ; §22b) permet de poser la forme *t-sk-anzi (avec la réduction à t- de la racine dāi- "placer, mettre"). Pour pa-ra-a "en avant, devant", le lien étymologique avec l'I.E. *pro permet de supposer une prononciation *pra, tandis que la forme te-ri-ia-al-la (un liquide) possède une variante 3-ia-al-la qui laisse supposer une prononciation *triyalla (§129b3).

Il est probable que les initiales (écrites) très fréquentes isp- et ist- (par ex. ispāi- "se satisfaire", ispant "nuit", ispart- "s'échapper", istap- "verrouiller", istamas- "entendre", istandāi- "hésiter", istark- "tomber malade", etc...) sont en fait prononcées sp- et st-, bien qu'il soit possible qu'il s'agisse d'une voyelle prothétique (cf. lat. scalas > fr. échelle).

25) a) 1. L'interprétation des finales n'est pas toujours aussi claire que les impératifs li-in-ik "jure!" (à côté de li-in-ki, racine link-), wa-al-ah "frappe!" (racine walh-), ša-an-ha "cherche!" (à côté de ša-a-ha, racine sanh- ; §157). En général, on s'appuie sur l'analogie pour postuler par exemple à partir de la terminaison du Prét. 3 Sg. en -t des verbes à terminaison vocalique comme iya- "faire", hatrāi- "écrire" (iyat "il a fait", hatrāit "il a écrit") que la terminaison écrite -ta du Prét. 3 Sg. des verbes à terminaison consonantique comme es- "être", istamas- "entendre", walh- "frapper" (e-eš-ta "il a été", iš-ta-ma-aš-ta "il a entendu", wa-al-ah-ta "il a frappé") représente en fait une terminaison (parlée) -t (c.a.d. *est, *(i)stamast, *walht ).

2. Le même phénomène a lieu pour le substantif : de aniyat(t)- "vigueur" (Acc. Sg. aniyattan), on interprète le Nom. Sg. a-ni-ia-az (§76a) comme la forme *aniyat-s (avec z = /ts/ ; §27a). Ceci permet d'interpréter le Nom. Sg. ka-aš-za "faim" (racine kast- ; Acc. Sg. kastan) comme une forme *kast-s, de même pour ša-ú-i-ti-iš-za "bébé" interprété comme *sawitist-s. On voit dans les formes écrites du Nom. Sg. hu-u-ma-an-za "entier" et des participes comme a-da-an-za "mangé" (racines humant-, adant-) des formes parlées *hūmant-s, *adant-s.

b) Cependant, lorsqu'on ajoute au Nom. Sg. d'un participe en -an-za = *-ant-s la particule -a "et, aussi" (§302ff.), on écrit la terminaison prononcée *-ants-a non pas simplement -an-za, mais séparément -an-za-ša, ainsi ir-ma-la-an-za "malade", ir-ma-la-an-za-ša "malade aussi". On ajoute en fait à -an-za = *-ants la plus petite unité phonétique terminant le groupe *-antsa, c'est-à-dire le signe ša = *sa (§27b). La terminaison -an-za-aš-ša est aussi utilisée : ap-pa-an-za "le prisonnier", ap-pa-an-za-aš-ša "et le prisonnier".

26) Il semble que les groupes de consonnes pouvaient être scindés par l'ajout de voyelles réellement prononcées. Ainsi, on trouve des formes écrites voisines comme gimra- et gimmara- "champ", kussani et kusni "en récompense" (ainsi que kussansit, kussanissit et kussasset "sa récompense" §31a), assanu- et asnu- "préparer", kar-ša-nu-, kar-aš-nu- et kar-aš-ša-nu- "manquer", tuhs- et tuhhus- "découper", nasma et nassuma "ou". La distinction avec les cas de voyelles non prononcées (§22ff.) n'est pas toujours nette : de taks- "joindre", on a le Part. ták-ša-an-za "lié", mais ták-ke-e-eš-ša-an-zi "ils joignent" ; e-eš-har-šum-mi-it "leur sang".

b) Consonnes isolées

27) Sur les quatres sifflantes z, s, š, ṣ de l'écriture cunéiforme akkadienne, le hittite n'utilise que š et z. La lettre š est utilisée comme en assyrien pour noter le son /s/, tandis que la lettre z note le son /ts/.

a) z = /ts/ est démontré par la comparaison de formes comme da-šk-izzi "il prend plusieurs fois" (itératif de dā- "prendre") et azzikkizzi = *at-sk-izzi "il se régale" (itératif de ed- "manger"), ainsi que le Nom. Sg. aniyaz = *aniyat(t)-s "vigueur" comparé à l'Acc. Sg. aniyattan (racine aniyat(t)-).

b) š = /s/ est démontré par les incriptions égyptiennes telles que Mrsr pour mMuršili, Htsr pour mHattušili, etc... (l'écriture égyptienne différencie s et š), ainsi que par la comparaison des formes da-šk-izzi et azzikkizzi = *at-sk-izzi.

c) Par contre, l'importance de la différence entre š et z n'est pas bien connue pour le proto-hatti (par ex. le nom de ville URULihšina à côté de URULihzina) et le palaïte, ni même pour le hittite. On trouve en effet des formes voisines comme šakkar et zakkar "excréments", zamangur "barbe" et šamankurwant- "barbu", zašhi- et zahri- "rêve".

28) Il est possible que le h hittite ait eu deux prononciations différentes :

a) une prononciation (moins bien attestée) plus forte, proche de k, par ex. les formes isolées tetkissar, hameskanza pour les formes voisines tethessar "orage", hameshanza "printemps", et inversement UZUishisa- pour UZUiskisa- "dos". Le nom féminin hourrite fGiluhepa est écrit Krgp en égyptien.

b) une prononciation (bien attestée) plus faible (peut-être un simple souffle), ce qu'indiquerait les variantes eshar "sang" (Gen. Sg. eshanas) à côté du plus rare essar (Gen. Sg. esnas), ainsi que les formes isolées idalawatti et tannattauwanzi pour les formes voisines idalawahti "tu agis mal", danattahhuwanzi "pour ravager".

c) Le h hittite a pour origine des phonèmes proto-indo-européens appelés "laryngales" qui ont disparu dans toutes les familles de langues, exceptée la famille anatolienne. Il existe de nombreuses variantes à la théorie des laryngales qui diffèrent sur la qualité et le nombre de laryngales P.I.E. Ces théories laryngalistes ont été créées pour expliquer certains phénomènes de l'I.E., mais la découverte postérieure du hittite a confirmé leur véracité.

Dans la théorie la plus commune, il existait trois laryngales, notées H1, H2 et H3 qui avaient la faculté de "colorer" une voyelle 'e' voisine. La laryngale H1 n'a pas d'effet de coloration, la laryngale H2 colore en 'a' et la laryngale H3 colore en 'o'. En hittite, la laryngale H1 a disparu et la laryngale H3 ne s'est conservée qu'à l'initiale. En position médiane, la fricative issue d'une laryngale peut être douce (notée entre deux voyelles par 'h') ou tendue (notée entre deux voyelles par 'hh'). Par exemple, eshar "sang" < *esH2er, tar-ah-ha-an (racine tarh- "vaincre") < *terH2-, hant "face" < *H2ent, happ-in-ant "riche" < *H3ep-. Il faut noter que la théorie décrite ici est insuffisante : elle n'explique pas certains cas où le hittite indique un 'h' là où il n'y a pas de laryngale, et inversement des cas où le hittite n'indique pas un 'h' là où une laryngale existe.

Selon Kortlandt, H2 et H3 à l'initiale se maintiennent devant un 'e' mais disparaissent devant un 'o' : *H3erbh- > harp- "séparer" mais *H3orgh-ey- > ark- "monter".

29) a) Le -w- du groupe -uw- se transforme souvent en m, particulièrement avec les verbes en -nu- (§169) et les verbes en -u(m)- (§174). On construit à partir de hatrāi- "écrire" hatraweni "nous écrivons", l'Inf. I hatrawanzi et le substantif verbal hatrawar, mais à partir de arnu- "apporter" arnummeni, arnummanzi et arnummar, à partir de tarna- "laisser" tarnummeni, tarnummanzi et tarnummar.

b) On trouve aussi occasionnellement -mu- à la place de -wu- : à partir de idālu- "méchant", on trouve le Nom. Pl. Com. idālawes mais l'Acc. Pl. Com. idālamus. De la même façon, on trouve à partir de zashāi- "rêve" l'Acc. Pl. zashimus.

30) a) Le hittite ne possède pas de r à l'initiale.

b) En position médiane et finale, le r se prononce faiblement, au point d'être parfois omis dans l'écriture. Exemples en finale : paprāta au lieu de paprātar "impureté", miyata pour miyatar "prospérité", hatressa pour hatressar "envoi" ; en position médiane : waggantes pour wargantes (Nom. Pl.) "gras", artati- pour artarti- "champignon (?)", pian pour piran "devant", TÚGkuessar pour TÚGkuressar "foulard".

31) De même, le n en position médiane est prononcé faiblement et est souvent omis : hu-u-ma-da-az à côté de hūmandaz (Abl. Sg. de hūmant- "chacun"), ú-e-eš-ša-ta pour wessanta "ils s'habillent", iš-ta-ta-a-it à côté de istandāit "il est resté", kar-pa-zi à côté de karpanzi "ils soulèvent", ne-e-a-za à côté de neyanza "conduit", me-mi-ia-u-a-zi à côté de memiyawanzi "pour parler", li-ik-ta à côté de li-in-kat-ta (tous les deux = *linkt ) "il a juré" (racine link-). Il est possible que la voyelle ait été nasalisée.

b) A l'inverse, il arrive parfois qu'une lettre n soit écrite alors qu'elle n'existe pas : nepisanza au lieu de nepisaz "du ciel" (Abl. Sg.), hassannanza pour hassannaz "hors de la famille", on trouve une forme isolée li-in-kán-ta pour *linkt "il a juré".

32) a) 1. Le groupe -tn- se transforme régulièrement en -nn-, en particulier dans la déclinaison des abstraits en -ātar (§83 ; Gen. Sg. -annas < -atnas) : haddulātar "santé", Gen. Sg. haddulannas, idālawātar "méchanceté", Gen. Sg. idālawannas.

2. Le groupe -tn- se maintient sans changement dans la forme suivante : huitar "faune", Gen. Sg. huitnas, très rarement avec les abstraits en -ātar : harātar "scandale", Dat.-Loc. Sg. haratni.

b) 1. Le groupe -mn- peut s'assimiler en -m- : à côté des noms ethniques URUHattusumna- "habitant d'Hattusa", URULuiumna "luwite", URUPalāumna- "palaïte", on trouve aussi des formes comme LÚ URUZalpūma- "habitant de Zalpa", LÚ URUHalpūma- "habitant d'Alep", Acc. Sg. mSuppiuman à côté du Dat.-Loc. mSuppiumni.

2. La transformation de -mn- en -nn- est moins claire, et on n'est pas sûr que la forme hilannas soit bien le Gen. Sg. de hilamnar "barrière".

33) Le groupe -nunu- peut apparemment se raccourcir en -nu- : à partir de kistanu- "supprimer", on trouve 1. Sg. Pret. kistanun (pour *kistanunun), de *mernu- "faire disparaître", 1. Sg. Pret. mernun, de *menunu- "échouer (?)", Imp. 3. Sg. menuddu.

34) Le groupe -nza se change parfois pour des raisons inconnues en -nzan : hanza ep- et plus rarement hanzan ep- "accueillir aimablement (?)", nanza (c.a.d. nu "et" + -an "lui" + -za "même") et nanzan.

3. Liaisons

35) Les mots hittites sont normalement écrits séparés, et les liaisons ne se reflètent pas dans l'écriture. Une variante avec liaison comme hal-ki-im pí-an-zi pour halkin pianzi "donnez du grain" est une exception rare.

36) a) 1. Une finale -n- s'assimile généralement avec la consonne initiale d'une particule enclitique qui suit le mot (avec ou sans redoublement de cette consonne) : *istamanan-san "son oreille" (Acc. Sg.) > istamanassan, *halugatallan-tin "ton envoyé" > halugatallat-tin, *tuzzin-man "mon armée" (Acc.) > tuzziman, appizziyan-ma-at "mais lui après" > appizziyamat, hūman "tout" + particule -san (§300) > hūmassan, ŠUM-an-smit "leur nom" (c.a.d. lāman-smit ) > ŠUM-asmit, mān "si" + particule -wa de citation (§289) > māwa.

2. Par exemple, kussan-set "son salaire" peut s'assimiler en kussasset et rester sans changement, ou même utiliser une voyelle d'appui (§26) kussanissit.

b) Des phénomènes de fausse coupe ont parfois lieu : nassan (nu "et" + -as "lui" + particule -san, §300) peut s'écrire nansan, comme si le Nom. -as "lui" était remplacé par l'Acc. -an "lui".

c) Une assimilation similaire arrive plus rarement avec t : ta "et" + -at "lui" + -si "à lui" donne habituellement tatsi, mais parfois aussi tasse, nu "et" + -at "lui" + particule -san donne habituellement natsan, mais parfois aussi nassan.

37) Les phénomènes de liaisons apparaissent surtout au début des pronoms enclitiques comme -mu "à moi", -ta "à toi", -si "à lui", -as "lui", -an "lui (Acc.)", -at "lui (Neut.)" et des particules enclitiques comme -a (-ya) "et", -ma "mais", -asta "alors", -wa(r) (citation), -za (réflexif), -kan et -san (lieu) à la suite d'un mot accentué et/ou d'une particule nu, ta, etc...

38) a) Lorsque la particule nu "et" est suivie du pronom -as "is (ea)", -an "eum (eam)", -at "id", -e "ei, eae, ea", -us (-as) "eos, eas" ou de la particule -asta ou -apa (les deux = "alors (?)"), le u de nu est remplacé par la voyelle suivante : *nu-as > nas, *nu-an > nan, *nu-at > nat, *nu-e > ne, *nu-us > nus (*nu-as > nas), *nu-asta > nasta, *nu-apa > napa.

b) Il en est de même pour la particule plus ancienne ta "et" : *ta-as > tas, *ta-an > tan, *ta-at > tat, *ta-us > tus, *ta-asta > tasta, et pour la particule plus rare et plus ancienne su "et" : *su-as > sas, *su-an > san, *su-us > sus.

c) Dans les mêmes conditions, la particule de citation -wa(r)- prend la forme pleine -war- : -war-as, -war-an, -war-at, -wari (c.a.d *-war-e), -war-us, -war-asta.

39) Lorsqu'une consonne seule se trouve à la frontière d'un mot et d'une enclitique entre deux voyelles (que la consonne soit la finale du mot ou l'initiale de l'enclitique), elle est souvent (mais pas toujours) redoublée : nu + -san > nu(s)-san, sumās "à lui" + -an "lui" > sumāssan, nu "et" + -wa (citation) + -nas "nous" > nuwa(n)nas, mān "si" + -a "aussi" > mānna, apās "celui" + -a "et" > apā(s)sa (ainsi que l'Acc. Sg. apūn + -a > apū(n)na), wastul "péché" + -ma "mais" + -za (réflexif) + -kan (§295) > wastulma(z)zakan, UL (négation) + -wa (citation) + -ta "à toi" + -kan > UL-wa(t)ta(k)kan.

40) Le pronom enclitique -ta "à toi" prend directement, lorsqu'il est placé devant la particule réflexive -za, la forme -tu (-du) : nu "et" + -wa (citation) + -ta + -za + -kan > nuwaduzakan.

41) a) 1. La particule "et" qui relie deux mots isolés prend la forme -a derrière une consonne et -ya derrière une voyelle : dTelipinusa (< dTelipinus-a) "et Telipinu", apāssa (< apās-a ; §39) "et celui-ci", mais kā-ya "et ici", apē-ya "et ceux-ci".

2. On l'écrit généralement -ya derrière les idéogrammes, les mots akkadiens et les noms étrangers : ENMEŠ-ya "et les seigneurs", UL-ya "et pas", URUKargamis-ya "et Kargamis".

b) Derrière les mots se terminant en -z, ainsi qu'après tous les mots à l'Ablatif, la forme -ya est précédée d'une voyelle de liaison i : tamedazziya (< tamedaz-ya) "et d'un autre", kēz kēzziya "d'ici et de là".

42) On observe des phénomènes de simplification des syllabes redoublées :

a) -ma "mais" + -smas "à vous, à eux" > -masmas qui peut être raccourci en -mas.

b) 1. Lorsque les particules -za et -san se suivent, elles se simplifient en -zan (prononcé *-ts-san).

2. Suivant le §34, nanza (< nu "et" + -an "lui" + -za réflexif) peut s'écrire aussi nanzan.

c) 1. Lorsque la particule -(a)sta "alors (?)" suit les syllabes -as, -is, -us, l'initiale -(a)s peut disparaître et la particule se réduit à -ta : nu "et" + -wa (citation) + -smas "à eux" + -(a)sta > nuwasmasta, ĜIŠTUKULHI.A-us-sus "vos armes" (Acc. Pl.) + -(a)sta > ĜIŠTUKULHI.A-ussusta.

2. De même derrière -z : nu "et" + -za (réflexif) + -(a)sta > nuzata (prononcé *nu-ts-sta), kēz "ici" + -(a)sta > kez-sta (écrit ke-e-ez-ta, ke-e-ez-za-at-ta, ke-e-ez-za-aš-ta).