B. Utilisation des cas

1. Vocatif

197) a) Le Vocatif Sing. est utilisé notamment dans les prières et les textes mythologiques : dUTU-e isha-mi "ô Soleil, mon seigneur", dUTU-e sarkui (variante sarku) LUGAL-e "ô Soleil, roi héroïque".

b) Dans ces textes, et à plus forte raison dans les textes plus récents ou les textes d'autre sorte, les formes du Nominatif sont utilisées à la place du Vocatif : zik-pat genzuwalas dUTU-us "tu es complaisant, ô Soleil".

198) La racine pure du nom qui ressemble extérieurement au Vocatif peut être utilisée pour introduire un nouveau nom dans une narration : MUNUS-as ŠUM-set fSintalimeni "le nom d'une femme (est) Sintalimeni", mais aussi : DAM- fTatizuli tamai UD-at seshas "sa femme Tatizuli s'est décidée un autre jour". Il n'est pas évident de savoir quelle est l'importance de l'influence de l'écriture akkadienne ici.

2. Accusatif

199) On soulignera surtout parmi les constructions avec l'Accusatif du hittite celles avec un "objet interne".

a) L'utilisation qui consiste à ajouter à un verbe un nom de la même racine ou de même sens à l'Accusatif (lat. acerrimam pugnam pugnare, longam viam ire, akkadien dīnam dânum, purussâm parāsum), existe aussi en hittite (cognate accusative) : hannessar hanna- "régler un litige", kupiyatin kup- "établir un plan", hukmais hu(e)k- "prêter serment", uppessar uppa- "envoyer un envoi".

b) Les accusatifs neutres des pronoms et des nombres associés à des verbes intransitifs et transitifs (en plus de l'objet externe) doivent aussi être compris comme des objets internes (lat. hoc te rego, grec τοῦτο χαίρω) : tuk UL kuitki idalawahhun "je ne t'ai pas du tout traité mal", appātaya NIŠ DINGIRLIM sarratti "aussi tu brises ainsi le serment", kiyan 1-an dammeshanunun "je l'ai punie seulement avec ceci".

200) a) Les verbes liés à la maladie peuvent être construits de deux manières différentes :

1. Soit la personne malade est le sujet intransitif comme en français : fGassuliyawiyas istarkiat "G. est tombée malade", EGIR-ma-as irmaliyattat "mais il est tombé malade".

2. Ou bien la maladie est sujet et la personne concernée est objet à l'accusatif : kappin DUMU-an HUL-lu GIG GIG-at "la mauvaise maladie a frappé le petit garçon".

b) La maladie est souvent inexprimée dans la construction 2, ce qui fait qu'elle apparaît comme une construction impersonnelle avec la personne comme objet à l'accusatif : istarkiyazzi kuinki "quelqu'un est tombé malade", tuk-ma irmaliyattat "mais tu es tombé malade".

201) a) Très rarement (et anciennement ?), l'accusatif répond à la question "vers où ?" : nu-smas HUR.SAĜ-an parhanzi "et ils vous chasseront vers la montagne", GÚ- ĜIŠAPIN-an sēr tizzi "son cou se pose sur une charrue". Habituellement, le datif en vieux-hittite et le datif-locatif en néo-hittite répondent à la question "vers où ?".

b) L'accusatif de chemin est différent : man-kan HUR.SAĜTehsinan sarā pāun "j'ai monté le mont T.".

202) L'accusatif est utilisé comme adverbe par exemple dans hantezzi "en premier lieu, à la première occasion", karuwariwar "le matin", nekuz mehur "le soir".

3. Datif-Locatif et Allatif

203) Le vieux-hittite différencie encore l'allatif en -a pour les questions "à qui ?" et "vers où ?" du locatif en -i pour la question "où ?". L'allatif aruna signifie ainsi "à la mer, vers la mer" le locatif aruni "en mer", de même nepisa "au ciel, vers le ciel", nepisi "dans le ciel".

204) En néo-hittite, l'allatif et le locatif ont fusionné en une seule forme de datif-locatif en -i qui répond aux questions "à qui ?", "où ?" et "vers où ?". Exemples pour le locatif : URU-an sasti walhun "j'ai attaqué la ville dans le lit (c.a.d. en rêve)", URUHattusi gimmandarinun "j'ai passé l'hiver à Hattusa", pour l'allatif : URUKÙ.BABBAR-si uwanun "je suis allé vers Hattusa", nu-smas-kan peruni parhanzi "et ils vous chasseront au rocher", KUR ÍDSeha ÌR-anni dahhun "j'ai pris le pays du fleuve Seha en esclavage".

205) a) Le verbe "être" peut avoir un datif possessif : ANA ŠEŠ-YA NU.ĜÁL kuitki "rien (n'est) à mon frère (c.a.d mon frère n'a rien)".

b) Il en est de même pour les indications de mesure : ANA wasanni-ma pargater-set 6 IKU "le wasanna (la piste) fait 6 ikû de haut".

c) Le hittite utilise aussi un génitif possessif avec le sens actuel d'"appartenir" : URUIyaruwaddas URU-as annaz ammēl ŠA ABI ABĪYA esta "la ville I. appartenait auparavant à mon grand-père".

206) Le datif-locatif peut être utilisé de manière apparamment pléonastique : nu-smas uzuhrin adanzi "ils mangent (pour eux) l'herbe", nu-smas DINGIRMEŠ-as ZI-ni mekki nahhantes estin "Soyez (pour vous) très prudents avec la mentalité des dieux", assiyannas-wa-nnas ÌRMEŠ esuen "nous étions (pour nous) des sujets aimés (lit. des esclaves de l'amour)", lē-ta nāhi "n'aie pas peur (pour toi)".

207) Le datif-locatif tire de son sens locatif les utilisations suivantes :

a) datif de but : nu-kan kuin ANA mNuwanza haluki parā nehhun "et que j'ai envoyé à N. dans le but d'une ambassade".

b) datif de l'acteur du passif : zik-za-kan ammuqqa 1-edani AMA-ni hassantes "toi et moi (sommes-nous) nés d'une mère ?", dUTU-i-kan kuis assiyattari "celui qui est aimé du Soleil".

c) datif comparatif ; cf. §222.

d) datif temporel : apēdani UD-ti "ce jour", nekuz mehuni "le soir" (§58).

e) datif de la personne dont (en fait : pour laquelle) on exige : nu-mu ... dIŠTAR URUSamuha ANA ABĪYA wekta "et Ištar de Samuha m'a exigé de mon père" (cf. français demander à quelqu'un).

208) On trouve l'adverbe assuli "pour le bien" issu du datif-locatif de assul "bonheur" (ce n'est pas un adverbe en -li de assu- "bon").

4. Génitif

209) a) Le génitif se tient généralement avant le nom qu'il complète : parnas ishas "l'homme de la maison", attasas É-ri "dans la maison de son père", LÚ-nas wastul "infraction de l'homme".

b) Le contraire est possible quand le nom complété est un idéogramme : LÚ taksulas "homme de paix" (à côté de taksulas URU "ville de la paix"), INIM kunannas "une affaire de meurtre".

210) a) Un usage plus maladroit du génitif a lieu avec l'utilisation simultanée du pronom possessif ("de l'homme sa tête"). Il est particulièrement populaire dans les lois (mais aussi ailleurs en vieux-hittite) : GUD-as IGI-ŠU "l'oeil du boeuf", MUNUS-as ELLI sarhuwandus-sus "l'enfant à naître d'une femme libre", kēl mene-ssit "le visage de celui-ci".

b) Le génitif est placé après le pronom indéfini : suppala-sset kuēlqa "les animaux de quelqu'un".

211) Le hittite connaît aussi les utilisations du génitif que l'on retrouve dans les langues classiques telles que le génitif objectif, le génitif partitif, etc... : ŠU.DIM4-as sardiyas "aide contre une agression", hūmandas-pat EĜIR-izzis DUMU-as esun "j'étais le dernier enfant de tous (lit. Dat.-Loc. Pl "sous tous")". Cf. aussi §205c.

212) a) Une construction très populaire en hittite consiste en l'expression "celui du ..." pour décrire un autre substantif : de wastul "péché", on trouve wastulas pour "(l'homme) du péché" = "le pécheur" (à côté de wastulas UKU3-as), de tayazil "vol" tayazilas "(celui) du vol" = "voleur" et "(cela) du vol" = "peine pour le vol". kardiyas-tas "(cela) de ton coeur (kard-)" = "ton désir", mān-as harkannas "s'il (est coupable) du décès". Exemples supplémentaires : assawas memiyanas "(celui) des bonnes relations" = "dans de bonnes relations", TI-annas "(celui) de la vie (huiswatar)" = "de grande longévité" ; aussi des génitifs d'infinitifs (§185a) : nahhuwas "(celui) du respect" = "révérentieux", kuis arha tarnummas "qui (est un) de l'abandon" = "qui (peut être) exempté (du service militaire)", kuit-ma DI-sar sumēl UL tar(ah)huwas "quelle affaire (est) cependant (celle) de votre incapacité" = "quelle affaire que vous ne pouvez pas régler vous-même".

b) D'où l'akkadien : ŠA MAMETI "celui du serment" = "suzerain", ŠA KASKALNIM "cela du voyage" = "les provisions".

c) Parfois, de tels génitifs sont fléchis comme des noms indépendants : de hassannas-sas "(un) de sa famille" (hassatar [§83] + pronom possessif -si- "son"), on peut construire un Acc. Sing. hassannas-san et un Dat.-Loc. Sing. hassannas-si.

213) a) Une apposition partitive peut être utilisée à la place d'un génitif. Ainsi, deux objets au même cas dépendent d'un verbe, dont le premier exprime un tout et le second une partie du tout concernée par l'action : takku A.ŠÀ-an ZAG-an kuiski parsiya "si quelqu'un casse la borne d'un champ" (lit. : le champ (et de lui) la frontière ; variante avec génitif : A.ŠÀ-as ZAG-an !). nu-war-us IGIHI.A-wa munnanzi "on leur voilera les yeux" (lit. : eux, (à savoir) les yeux). mān apē-ma kuiski ITTI dUTUŠI wastai "si quelqu'un pèche par ceux-ci contre le Soleil" (lit. : si ceux-ci, quelqu'un pèche). nu-kan ANA dUTUŠI ŠU-i anda miyahuwantahhut "maintenant deviens vieux sous la protection du Soleil" (lit. : près du Soleil dans la main). nat ANA ABBAHI.A Ù ANA ABBA ABBAHI.A-YA UL kuedanikki uppir "ils n'en avaient envoyés à aucun de mes pères et ancêtres". nat-mu-kan UKU3-az KAxU-az sarā uizzi "et il (ce mot) sort de ma bouche humaine" (lit. : de l'homme, de la bouche ; variante avec génitif : antuhsas KAxU-az !).

b) 1. L'utilisation de pronoms personnels dans cette construction est particulièrement importante : nu-za kē KUR.KUR KÚR ammēdaz ŠU-az tar(ah)hun "maintenant j'ai vaincu ces pays ennemis avec ma main" (lit. : par moi, par la main). UL-war-an-kan tuētaza memiyanaz kuennir "ils ne l'ont pas tué sur ton ordre" (lit. : par toi, par l'ordre).

2. En pratique dans cette construction, le pronom personnel joue le rôle d'un pronom possessif. Ainsi, on peut même trouver des formes plurielles des pronoms personnels concevables uniquement au singulier "je" et "tu" : on trouve à côté de IŠTU HUR.SAĜHahruwa tuedaz assiyantaza "de ta montagne H. aimée" un Dat.-Loc. Plur. tuedas assiyantas pēdas "à tes endroits aimés".

c) Les indications de mesure doivent aussi être interprétées comme des appositions partitives : nas parkuwatar-set 5 IKU "et elle (la piste), sa hauteur (est) 5 ikû" (c.a.d. "et la hauteur de la piste fait 5 ikû"). gankuwar appāttaya UL duqqari "aussi celui-là (§302b), le poids n'est pas important" (c.a.d. "aussi son poids n'est pas important").

5. Ablatif et Instrumental

214) a) L'ablatif indique d'abord le point de départ d'un mouvement répondant à la question "d'où ?" : issaz "de la bouche", nepisaz "du ciel", wetenaz "de l'eau".

b) L'ablatif est utilisé pour la séparation : parkuis apēz linkiyaz "libre de ce serment", sullannaz "suite à une dispute".

c) Pour l'ablatif de comparaison, cf. §222.

215) Un ablatif disparu de cette sorte apparaît probablement dans les adverbes de lieu et de temps tels que ZAG-az "à droite" (en fait "de la droite"), iskisaz "en arrière, de l'arrière", hantezziyaz "(de) devant ; en avant", UD.KAM-az "de jour", MI.KAM-az "de nuit".

216) L'instrumental indique le moyen ou l'outil : nu-kan IZI wetenit kistanuwanzi "maintenant, ils éteignent le feu avec de l'eau", dUTU-un IGIHI.A-it uskizzi "elle voit le soleil avec les yeux", kastita-man akten "vous seriez morts de faim", Í.DÙ-ma-as-kan lamnit halzissai "le gardien l'appelle toutefois par le nom".

217) Cependant, le hittite connaît aussi un ablatif d'instrument : HAZZINNU-wa ŠU-za ep "prends la hache avec la main", URU-an zahhiyaz katta dahhun "j'ai soumis la ville par le combat".

218) a) C'est pourquoi on peut trouver l'ablatif comme l'instrumental dans la même tournure. On peut dire kunnaz kesseraz harzi et kunnit kessarta (§61) harzi "il tient de la main droite", nat-za nassu teshit uwallu (§176) nasma-at ariyasesnaz handayattaru "(la raison est) que soit je veux voir par un rêve (Instr.), soit ça doit être constaté par un oracle (Abl.)".

b) Avec les verbes de mouvement, on peut comparer : ĜÌR-it sarā pāun "je suis monté à pied", LUGAL-us ĜIŠhulugannaz sarā uizzi "le roi monte avec le char".

c) α) Avec un substantif à l'ablatif, on trouve le pronom possessif à l'instrumental (l'ablatif du pronom possessif n'est pas utilisé) : sarhuwandaz-set "de son intérieur", issazmit (c.a.d. *issaz-smit, §19a. 27a et b. 42c) "de leur bouche", ZAG-az-tit "vers ta droite", kartaz-mit "de mon coeur".

β) La même construction est utilisée avec les pronoms démonstratifs : kit pantalaz "à partir de ce moment". Cependant, on utilise habituellement l'ablatif des pronoms : kēz KUR-az "de ce pays".

6. Ergative

218.1) Le nom neutre a la même terminaison au nominatif et à l'accusatif tant qu'il n'est pas sujet d'un verbe transitif. Par exemple, en tant qu'objet d'un verbe transitif : takku pahhur ANA A.ŠÀ-ŠU kuiski pēdai "si quelqu'un met le feu à sa grange", et en tant que sujet d'un verbe intransitif : pahhur kistari "le feu sort".

Cependant, quand le nom neutre est utilisé comme sujet d'un verbe transitif, il prend une autre terminaison : mahhan-ta kās tuppianza anda wemiyazzi "dès que cette tablette t'arrive" (comme l'indique le genre commun de kās, le nom fonctionne alors comme s'il était devenu du genre commun).

Ceci est le comportement normal des langues dites absolutives-ergatives. On peut donc considérer le hittite comme une langue fonctionnant selon un principe ergatif lorsque cela concerne les noms neutres. Le cas Nom.-Acc. Neut. peut être considéré comme un absolutif, tandis que les terminaisons spéciales -anza / -antēs peuvent être considérées comme un ergatif.

7. Suppléments à la syntaxe des cas

219) Quelques verbes peuvent être utilisés avec plusieurs cas avec des sens identiques ou différents :

a) watarnah- signifie avec l'accusatif "demander à quelqu'un, ordonner à quelqu'un, charger quelqu'un de quelque chose", avec le datif-locatif "informer quelqu'un".

b) katta dāi- signifie avec l'accusatif "soumettre une ville", avec le datif-locatif "assiéger une ville".

c) nah(h)- "craindre, être effrayé" régit l'accusatif : nahmi-us "je les crains", UL-za kuitki nahmi "je m'inquiète pour rien", le datif-locatif : pahhuenass-a uddani mekki nahhantes estin "craignez aussi un cas d'incendie" et dans un cas isolé l'ablatif : nu-za halluwayaza mekki nahhantes estin "maintenant soyez très inquiets d'un conflit".

d) punus- "demander" peut être construit de deux manières. On peut soit dire "interroger quelqu'un (Acc.) sur quelque chose (Dat.-Loc.)", par ex. nas dUTUŠI ANA DIHI.A punusmi "et moi, le Soleil, je l'interrogerai sur les litiges", soit "demander quelque chose (Acc.) à quelqu'un (Dat.-Loc.)", par ex. nu-smas DIHI.A punuskiddu "et il doit les interroger chaque fois sur les litiges".

220) a) Sur l'alternance formelle mutuelle entre le nominatif et l'accusatif pluriel, cf. §63. Au singulier, l'utilisation du nominatif en tant qu'accusatif a lieu seulement sporadiquement : 5 GUD tāiugas 5 GUD iugas 5 GUD sawitisza pāi "il donne 5 boeufs de deux ans, 5 boeufs d'un an, 5 boeufs têtants" (racines iuga-, tāiuga-, sawitist-, pour cette dernière cf. §76a).

b) Le fait que dans les textes de chevaux le nominatif Sing. kanza (de kant- "blé (?)") soit généralement utilisé à la place de l'accusatif Sing. kantan s'explique par des erreurs commises par l'auteur non hittite de ces textes.